Dimanche
18 juillet 2004
Le Chalet des Pyramides
Nous
nous levons à six heures. Le temps est magnifique. Hier soir, nous n’avions
pas eu le courage de préparer notre pique-nique pour aujourd’hui. Nous ne
ferons pas compliqué : taboulé, œufs durs, tomates, pommes, oranges,
quelques barres de céréales et des dattes.
Nous
chargeons les sacs sur le dos et sortons du camping. Nous sommes dimanche. Des
nouveaux sont arrivés. Ils laissent leur chien sans laisse dans le camping.
Dans le cas présent, c’est un grand golden retriever.
Nous
attaquons le chemin fait la dernière fois. Passage en sous-bois, l’alpage très
raide (ce sont les pistes de ski). Là je me fais un plaisir. Après ces deux
jours d’inactivité due aux coups de soleil, j’accélère le pas et monte
d’une traite l’alpage. J’arrive en haut… en sueur.
Pascale
me rejoint, on fait une pause. Soudain, deux jeunes descendent en courant le
chemin que nous allons emprunter. Je leur fais remarquer qu ce n’est pas très
sympa de leur part de nous narguer ainsi ! Ils s’arrêtent, on discute un
peu.
Ce
sont des Grenoblois, Ils sont montés à la Jonction en deux heures trente !
Ils auront mis moins de cinq heures pour l’aller-retour. Ils sont partis à
cinq heures du matin et ont pu voir des chamois (une cinquantaine) ainsi
qu’une biche. Finalement, il y a des animaux dans ces montagnes !
Nous
continuons. Nous trouvons le chemin plus facile et plus rapide pour aller au
chalet du Glacier à 1425 m que la première fois. Nous nous posons pour
prendre une boisson chaude. Le lieu est vraiment agréable.
Bien
entendu, le télésiège apporte son lot de touristes inintéressants. Comme
cette famille d’Italiens… surpris de se retrouver là ! La fille porte
des chaussures ouvertes à semelle compensée en bois qui ne tiennent pas le
pied (la montée depuis le télésiège a dû être scabreuse). La mère a repéré
le chien. Son fils, qui parle français, nous demande la permission de le
photographier avec elle. Nous laissons faire le chien.
Nous
attaquons la montée vers le chalet des Pyramides à 1895 m. Nous sommes déçus.
Le chemin ne présente que peu d’intérêt. Nous sommes à flanc de montagne
dans les arbres la quasi totalité du temps. Le chemin est très fréquenté.
Les touristes arrivent au télésiège et montent ensuite à pied. Pour beaucoup
chaussés de simples baskets (basses de surcroît). Les gens sont vraiment
inconscients. Aucune rencontre intéressante ne peut se faire parmi cette
population.
Après
quelques centaines de mètres, Pascale me dit d’aller devant à mon rythme. Vu
le monde qui passe sur cette « autoroute » il n’y a pas de grands
risques à la laisser seule.
Je
mets une heure et quart pour faire l’ascension. Je me pose dix minutes et décident
d’aller à la rencontre de Pascale. Après dix / quinze minutes de descente,
je la rejoins. Elle s’était tordue le pied un peu après mon départ.
Heureusement qu’elle a de bonnes chaussures. Nous remontons au chalet.
Seul
intérêt de cette montée : à un moment le lacet passe du glacier de
Taconnaz à celui des Bossons. Aucun autre intérêt ! Même le lieu du
Chalet des Pyramides est inintéressant au plus haut point. Pas la moindre place
pour se poser et déjeuner. Tant pis, nous nous calons sur la paroi afin de
laisser le chemin libre et sortons notre déjeuner. Surprise ! Nous avons
oublié les couverts et la popote. Nous aurons nos mains et les couteaux pour
manger notre taboulé.
A
propos de taboulé, un événement s’est produit qui a permis de casser la
tension due à cette montée et à ce lieu. Deux gars descendent de la Jonction,
passent devant nous, après les saluts d’usage, le premier dit au second :
« Tu
vois, Etienne, ce n’est pas toi qui me préparerait un taboulé comme celui-là
pour aller en montagne. »
Le
second ne dit rien. Le premier ajoute :
« Et
en plus je suis sûr que c’est un taboulé maison. ».
Je
réponds du tac au tac :
« Non,
c’est un taboulé de tente.
-Pardon
?
s’écrit le second.
-Nous
habitons sous la tente, c’est un taboulé de tente, non pas de maison »,
lui répondis-je. Ils repartent sans un mot. Nous éclatons de rire. Nous nous
sommes demandés s’ils n’étaient pas homosexuels et avaient pris ma réflexion
pour eux. Nous rions un bon moment.
La Jonction ne sera pas pour cette fois.
Nous sommes vraiment déçus par cette montée, par les rencontres faites (ou
plutôt les non-rencontres). Le panneau indicateur indique deux heures vingt
pour la Jonction. L’orage gronde sur les hauteurs, le bruit du tonnerre répercuté
par les parois et les glaciers. Nous redescendons. Cette fois, je reste avec
Pascale en marchant devant.
On
rencontre vraiment des gens qui n’ont rien à faire dans ces lieux. Comme ce
bon père de famille avec ses deux enfants, quatre et six ans environ. Ils s’étaient
arrêtés à un endroit ou le chemin se rétrécit, 60 cm de large tout au plus.
Eux monte, moi je descends. Le père veut me laisser passer et se met avec son môme
de quatre ans côté pente. Après m’être arrêté, je lui demande de se
mettre de l’autre côté, côté paroi (le chien marchant devant moi à un mètre
cinquante, ça peut être dangereux). Il s’exécute. Maintenant, j’en ai
deux côté paroi et un côté pente (le petit de six ans n’a rien trouvé de
mieux que de changer de côté). Je lui demande de changer de côté. Il n’a
pas l’air de comprendre ce que je dis. Je ne bouge pas et attends. Le père,
finalement, lui dit, passablement excédé :
« Viens de ce côté, je ne sais
pas pourquoi, mais viens de ce côté ! »
J’explose
en lui expliquant que la pente, étant donné l’étroitesse du chemin, est
certainement plus dangereuse que la paroi ! Je peux enfin continuer mon
chemin.
Que
les gens peuvent être inconscients lorsqu’ils sont en vacances. S’il y a
une chose que je dois retenir des Alpes, c’est qu’on y retrouve les mêmes
cons qu’au bord de la mer !
Nous
décidons de ne pas nous arrêter au chalet du Glacier, de plus en plus de monde
débarque du télésiège, c’est dimanche.
Nous
descendons, mangeons une orange. Nous en avons vraiment assez. Nous avions pris
dix fois plus de plaisir à l’aiguillette des Houches : diversité des
paysages, majesté des panoramas, rencontres (même les groupes étaient venus
à pied, sans télésiège !), … Même le chien en a marre, il râle pour
que nous avancions plus vite.
A
cinq cents mètres du camping, plusieurs fourgons squattent un petit terrain en
bordure du chemin (trente ans plus tôt, c’eut été un combi Volkswagen avec
des fleurs peintes sur la carrosserie, genre peace and love). Nous avions repéré
un très grand chien, un Montagne des Pyrénées (le Patou),
chien
de protection par excellence, contre le loup notamment. Nous passons avec
prudence. Surprise, il y a deux autres chiens, des pit-bulls. Un attaché,
l’autre non attaché. Elle s’avance vers Isko (a priori c’est une
femelle), je la tiens à distance avec mon bâton, plaçant Isko derrière moi.
Avec neuf heures de marche dans les pattes, il n’aurait probablement pas le
dessus. Pascale demande aux jeunes de rappeler leur chienne. Finalement, elle
finit par retourner aux véhicules. Les gens sont inconscients et laxistes, sous
prétexte que le chien est « gentil » on le laisse divaguer. On ne
peut pas prévoir la réaction d’un chien face à un autre chien. Nous
repartons en colère, après avoir dit aux jeunes ce qu’on pensait de
leur comportement.
Nous
informons Françoise, la propriétaire du camping, de notre mésaventure. Nous
lui indiquons au passage que les nouveaux arrivants avec le Golden du matin et
un dogue allemand se baladent dans le camping avec les chiens non attachés.
Elle nous trouve particulièrement respectueux des autres campeurs.
Nous
devons déménager, pas le temps de passer à la douche, l’orage menace. Nous
prenons l’emplacement des Vendéens, André et Claudette. Nous sommes en train
de planter les sardines derrière la tente lorsque nous entendons des
grognements devant la tente. Encore un chien, c’est la journée ! Je
prends le maillet, au cas où… C’est le Grand Noir qui est revenu. Je
l’attrape. Pascale amène la laisse et l’emmène à l’accueil. Les autres
campeurs vont finir par croire que c’est notre chien.
Nous
terminons l’installation du camp. Patricia appelle, elle reçoit des amis
belges. Nous remettons à nouveau notre ballade à un autre jour.
Nous
sortons Isko. Sur le retour, à nouveau un chien, type labrador, se balade seul.
Pascale va devant pour s’en occuper, et demande à l’hôtel près du camping
s’il appartient à un de leur client. Non. Un numéro de téléphone sur le
collier, l’hôtel le prend en charge. Il y en a vraiment marre de ces maîtres
irresponsables.
Nous
mangeons. Nous nous faisons un grand plat de pâtes au gruyère. Délicieux et
reconstituant après l’effort de la journée. On va se coucher. La douche sera
pour demain, il y a trop de monde et nous sommes crevés, en plus il commence à
pleuvoir.
Passage
au bloc sanitaire. Le dogue est là non attaché. Son maître lave sa vaisselle.
Je lui fais gentiment la remarque que les chiens doivent être attachés. D’un
air très dédaigneux, il me répond qu’il ne peut pas puisqu’il a les mains
dans l’eau ! Personnellement, j’y arrive, je l’attache à la ceinture
ou bloque la laisse avec le pied. Enfin, ce sera le dernier épisode canin pour
aujourd’hui.
Pour
aujourd’hui ? Pas exactement. Il tombe des trombes d’eau toute la nuit.
Un bruit, je me réveille. Un frottement répétitif. J’essaie de me repérer.
Nous avons changé de place, ce n’est pas facile. Ça y est, j’ai mes repères,
ça vient de la façade de la tente. Je me lève. Éclaire avec la frontale…
Isko lèche la toile de la tente ! Surprenant… Nous pouvons nous
recoucher.
Demain
aucun programme établi. Nous verrons bien. Nous devons songer à ménager le
chien. Il vieillit, bientôt onze ans. Pour cette nuit nous laissons le hayon de
la voiture ouvert, il pourra se mettre à l’abri.